Bulletin de novembre 2018

Le célibat sacerdotal

Dans le contexte des révélations sur les scandales commis par des ecclésiastiques, des organismes catholiques de différents pays se sont exprimés en faveur de l’abolition du célibat sacerdotal. Le 14 septembre dernier, à Brigels dans le canton des Grisons, suite à la révocation de leur curé parti « vivre avec une femme », des paroissiens ont lancé une pétition demandant au Pape François la réintégration de leur pasteur et la fin du célibat sacerdotal obligatoire.

 

Pourtant, évoquer le célibat sacerdotal, c’est remonter l’histoire de l’Eglise et s’arrêter à l’idéal de la virginité inspiré de la vie de Jésus et de la sainte Vierge. A plusieurs reprises Jésus a évoqué l’éminente dignité de la virginité consacrée et y a invité ses Apôtres : « Pierre dit alors : Voyez nous avons tout quitté et vous avons suivi. (...) Il leur dit : Je vous le dis en vérité, nul n’aura quitté sa maison, ou ses parents, ou ses frères, ou son épouse, ou ses enfants à cause du royaume de Dieu, sans qu’il ne reçoive beaucoup plus en ce temps même, et dans le siècle à venir la vie éternelle. »1 . C’est aussi après avoir rappelé l’indissolubilité du mariage que Jésus leur dit : « Il y a des eunuques qui le sont de naissance, dès le sein de leur mère ; il y a aussi des eunuques qui le sont devenus par la main des hommes ; et il y en a qui se sont fait eunuques eux-mêmes à cause du royaume des cieux. Que celui qui peut comprendre comprenne ! »2 .

Remarquons comment à chaque fois Jésus précise le but de cette consécration virginale : « à cause du royaume des cieux », c’est-à-dire en vue du bonheur éternel et sa préparation ici-bas. En ce sens, le célibat et la virginité consacrés sont à la fois un atout pour gagner ce royaume des cieux, une cohérence personnelle  chez celui qui le propage auprès des âmes et un témoignage vibrant de la caducité de notre vie terrestre au regard de ce royaume. S’adressant à ceux qu’il a choisis comme les premiers ouvriers évangéliques, Jésus donne ici une véritable orientation sur l’état de vie qu’il souhaite voir émerger chez eux et leurs successeurs. Saint Paul se fera lui-même l’écho de cet appel se montrant un exemple du lien entre vie apostolique et vie continente : « Je voudrais au contraire que tous les hommes fussent comme moi. (...) Mais je donne un conseil »3 .

 

Forte de cet enseignement évangélique, l’Eglise a fait de ce conseil une loi pour les prêtres dès que son développement l’a rendue possible, soit au moins depuis le IVème siècle (Concile d’Elvire en 306). Elle signifie de manière adéquate que l’engagement au service de Dieu est total et exclusif : « Tous les Apôtres du Seigneur sont prêtres. Ici-bas, ils n’héritent ni champs, ni maisons, mais ils servent sans interruption tout le temps l’autel et Dieu. (...) Qui donc a abandonné père et mère et renoncé à tous ses parents pour le Seigneur et son alliance, sinon les disciples du Seigneur ? »4 .

Par l’imitation de la vie virginale de Jésus, le serviteur de l’autel s’identifie à la divine victime et signifie sa disponibilité pour son corps physique à la messe comme pour l’édification de son corps mystique dans l’apostolat : se faire tout à tous, ne plus vivre pour les choses mondaines mais uniquement pour les réalités divines.

Le célibat sacerdotal est aussi une source éminente de fécondité apostolique : il témoigne de la vérité du royaume des cieux. Lorsque les prêtres se déplacent aujourd’hui en transport public, il n’est pas rare que des inconnus les interrogent sur le fait de ne pas être mariés. Certains même peinent à y croire. Mais la réalité de cet état de vie apporte finalement un sceau d’authenticité à la prédication de la foi.

 

L’Eglise a maintenu et rappelé tout au long de son histoire la loi du célibat ecclésiastique en dépit de sa violation généralisée à certaines époques ; elle en a fait un objectif clé dans ses grandes réformes (Réforme Grégorienne au XIème siècle, Réforme Tridentine au XVIème siècle) ; elle a simplement toléré en Orient non pas le mariage de prêtres, mais l’ordination d’hommes mariés. A l’inverse, l’abandon du célibat a caractérisé toutes les sectes dès leur séparation (sans que d’ailleurs le recrutement des ministres du culte en soit rendu plus facile).

 

Ces prises de position en faveur de l’abolition du célibat sacerdotal ou de sa mitigation sont en rupture avec l’esprit de l’Evangile et la compréhension qu’en a transmis l’Eglise. Elles sont malhonnêtes lorsqu’elles supposent notamment un lien entre cette loi de l’Eglise et les scandales moraux qui la défigurent mais gardent un silence complaisant sur les principes corrupteurs de la société contemporaine qui les favorisent.

En somme, c’est la perte de la foi et de l’esprit surnaturel qui est à la racine de ces attaques. S’il est un état de vie exigeant, le célibat sacerdotal est surtout un don de Dieu que seule la grâce rend possible. En s’orientant vers un messianisme terrestre (combat pour la justice, la paix et la liberté religieuse dans le monde) plutôt que vers l’extension du « règne du Christ par la paix du Christ »5 , l’ « ecclésiastiquement correct » tend à brouiller la signification du « royaume des cieux »... et donc l’importance du célibat sacerdotal. Pourra comprendre celui qui vit de la foi.

Abbé Jean de Loÿe

  • 1Luc XVIII, 28-30
  • 2Matthieu XIX, 12
  • 3I Cor. VII, 7 et 25
  • 4St Irénée, Adversus Hæreses II, 17.
  • 5Pie XI, Encyclique Quas Primas, 1925