Lettre du Supérieur de district – Le Rocher 144 – Août-Septembre 2023

Prenez le temps de lire !

 

Bien chers fidèles,

Le sujet qui nous occupe demande du temps et de la motivation. Et ça tombe bien, car la fin de l’été devrait nous fournir le temps et le début de la nouvelle année scolaire, la motivation nécessaire. En fait, toute occasion devrait être bonne pour nous aider à développer nos connaissances, car c’est de cela qu’il s’agit : le goût de l’étude, de la formation pour atteindre ce que Notre-Seigneur nous indique lui-même comme la vie éternelle : « Qu’ils vous connaissent vous, et celui que vous avez envoyé. » 1

Que le lecteur se rassure, il ne s’agit pas de se fixer des objectifs d’un niveau très élevé ! Il s’agit simplement de faire usage des capacité intellectuelles que Dieu nous a données, si simples et si limitées soient-elle, afin de découvrir le monde merveilleux et passionnant des vérités surnaturelles.

On pourrait être tenté de penser que la connaissance survient naturellement et sans effort. Il est vrai que l’expérience de tout un chacun lui fait accumuler une certaine science. Mais attention, le péché originel et ses conséquences, dont la blessure d’ignorance, sont bien par là. Notre passé d’écolier ou d’étudiant nous rappelle nos heures d’études et les examens qui sanctionnaient impitoyablement notre travail. Le constat est donc clair : nous n’avons pas la science infuse !

Quelles que soient nos capacités intellectuelles, le but pour chacun d’entre nous reste le même : nous sommes sur terre pour connaître, aimer et servir Dieu : la première des tâches étant de le connaître. De plus, Dieu étant absolument parfait, plus on le connaît, plus on l’aime : notre amour de Dieu dépend par conséquent des connaissances que nous aurons acquises ! Ce n’est donc pas un détail de notre vie !

On comprend donc bien la nécessité d’en apprendre plus, mais pourquoi insister sur ce point, car il semble que ce soit un effort parmi tant d’autres ? Il nous suffit de revenir à la réflexion de saint Jérôme qui disait si bien : « Ignorer les Ecritures, c’est ignorer le Christ. » Développer ses connaissances est par conséquent une nécessité vitale pour l’être humain et encore plus pour un chrétien.

C’est d’autant plus important que notre époque et ses dérives mettent à mal notre capacité de connaître.

La première de ces dérives, c’est le matérialisme qui nous donne le goût du confort, empêche tout effort et finalement nous réduit à des consommateurs. Nous perdons beaucoup de temps et d’énergie pour vivre toujours mieux, et nous oublions si aisément que ce mieux est terriblement limité et qu’aucun des biens que nous aurons accumulés ici-bas ne nous suivra dans la vie éternelle. En revanche, tout ce que notre intelligence aura pénétré, approfondi, fait sien demeure pour l’éternité !

La seconde, c’est la révolution culturelle et toutes les nouvelles technologies qui saturent notre imagination, stérilisent notre connaissance par une curiosité effrénée et finalement nous amputent du réel désir de connaître. Notre capacité de concentration, d’analyse ou encore de jugement a été tellement atrophiée que prendre quelques minutes de silence pour se concentrer sur quelques pages est devenu quasiment héroïque…

C’est un constat étonnant en soi, car les technologies actuelles auraient pu faciliter notre apprentissage. Se libérer des contraintes de la vie matérielle et avoir à portée de main et de clic des quantités de contenus sur tous les sujets, même bons et louables : rien de mieux pour élargir notre connaissance ! Et pourtant le constat est là qui nous indique que l’inverse est arrivé. L’homme du XXIe siècle, le chrétien de ce siècle, le fidèle de nos chapelles ont souvent tant de peine à fournir un effort intellectuel.

Comment faire alors pour y remédier ?

Les moyens sont à la fois simples et variés. Evidemment que le plus classique et le plus efficace de tous est de saisir un livre, un bon livre : une vie de saints, une étude sur la crise de l’Eglise, un catéchisme, une encyclique, que ces livres soient de papier ou numérisés… dans ce domaine autant profiter des différents moyens que la technologie nous apporte ! Ce qui est très important, c’est que cet effort ne soit ni superficiel ni éphémère. C’est un travail de fond qui demande du temps. C’est un effort renouvelé, mais qui devient, grâce à Dieu, une habitude tout en restant une ascèse. Prenons donc cette habitude de nous arrêter quelques minutes par jour pour lire le passage d’un livre ou écouter une conférence. Réfléchissons-y au cours de la journée et, dans l’idéal, réservons quelques instants de méditation pour l’approfondir. Nous avons un merveilleux modèle en Notre-Dame : elle méditait en son cœur les paroles de son divin Fils.

On pourrait objecter le manque de temps. Il faut avouer qu’il s’agit souvent d’un prétexte, mais pas toujours, car ils sont nombreux ceux qui n’ont pas une minute à eux et qui sont d’une générosité édifiante. Pourtant une petite réflexion s’impose : si notre téléphone sonne, on y répond d’ordinaire, quitte à passer cinq minutes avec notre correspondant tout de suite ou un peu plus tard. Et si nous faisions sonner nos appareils pour « perdre » cinq ou dix minutes et prendre le temps de réfléchir, de lire ou d’étudier. Bien loin d’être perdu, ce serait du temps gagné pour l’unique but de notre vie. Cette lecture pourrait nous redonner du courage à l’ouvrage, nous remettre devant nos responsabilités devant Dieu, nous encourager à tenir le coup dans les épreuves.

Comme toute activité humaine, l’étude demande un juste milieu et un équilibre.

Si l’étude est un effort – car on doit parfois s’accrocher pour terminer un ouvrage – c’est une astreinte nécessaire. On n’a rien sans rien ! Mais ce n’est pas qu’un effort. Pourquoi, par exemple, ne pas profiter de notre goûts et préférences pour faciliter notre avancée ? Ne prenons pas un livre rébarbatif par pure pénitence, mais choisissons un domaine qui nous intéresse et qui nous forme. N’ayons pas non plus des quantités de livres commencés et jamais finis. Il ne faut pas suivre nos passions, mais il convient de les susciter dans la direction et l’objectif que nous nous sommes proposés !

Cette étude va dilater notre connaissance, aider à nous former un jugement. Le danger ici, serait de se croire totalement autodidacte. D’une certaine autonomie que confère l’étude, on passerait à l’indépendance sans chercher par exemple à savoir ce que l’enseignement de l’Eglise dit à tel ou tel sujet. Si l’on ne peut pas toujours demander de l’aide pour la moindre question, il faut en même temps chercher à trouver les bonnes réponses. C’est l’un des conseils de saint Thomas sur l’étude : « Si tu as des doutes, il faut les résoudre. » Il faut donc la recherche, mais aussi l’humilité devant notre propre ignorance. Et plus nous avançons dans notre science, plus nous devons nous souvenir que nous restons dépendants. Nous avons toujours besoin d’un guide et l’Eglise est notre Maîtresse de vérité. Plus encore : cette connaissance ne doit pas rester à l’état théorique, mais passer dans les actes et se traduire dans notre quotidien.

Chers fidèles de Suisse, je ne peux donc que vous encourager à cet effort de l’étude, certain qu’il ne pourra s’appuyer que sur notre recours à la prière pour nous rendre apôtres dans le combat de la foi.

Les différentes difficultés que peut connaître le petit monde de la Tradition viennent souvent d’une méconnaissance de notre si belle religion. On reste dans une sorte de formalisme : c’est un cadre que l’on transmet avec des habitudes, des règles ou des manières de faire, en omettant le formel, le plus important, oserait-on le dire : la charité ! Plus que jamais, il faut comprendre les raisons de notre combat et le faire nôtre, selon la devise de Monseigneur Lefebvre tirée de saint Jean : « Nous avons cru à la charité ». Connaissance et action. Foi et charité.

Il faut enfin être capable de bien distinguer ce qui essentiel et indiscutable de ce qui est passager et soumis aux circonstances. Prenons de la hauteur ! Nous avons aujourd’hui malheureusement tellement de difficulté à acquérir cette sagesse et cette prudence. Il faut prendre du recul ! Ne nous laissons pas aller à la panique à la moindre nouvelle, au moindre potin, aux dernières news, au dernier tweet ! Que cela concerne l’Eglise, la Fraternité ou le monde. Nous devrions au contraire chercher avec sérénité à faire confiance à l’autorité et en même à comprendre les raisons qui ont motivé telle ou telle façon d’agir.

Prenons justement le temps de l’étude ! Avec courage lisons les écrits des saints, écoutons des conférences ou sermons qui nous amèneront à réfléchir et pondérer notre jugement. Que nous cela nous aide à apprendre, à servir et à aimer Dieu : c’est la seule chose qui compte, ici-bas et pour l’éternité !

Abbé Thibaud Favre

  • 1Jean, 17, 3.